Deux girafons divergents

Il était une fois deux girafons
Dont la robe infiniment bariolée
Leur valait le nom de bouffons,
Leur différence bien étalée.

 

L‘un des deux le vivait très mal
Surtout quand ses taquins congénères
Criaient à leur encontre « carnaval »
Lolo rêvait alors de tâches éphémères.

 

Son semblable en tirait une force
A laquelle goûtent les confiants.
Ces quolibets agissaient en amorce
Déclenchant des instincts vaillants.

 

Es-tu insensible à leurs remarques
Questionna Lolo qui lui, souffrait.
Comment trouver mes marques
Moi clown triste d’un cabaret.

 

Nos pelages multicolores en jettent
Répondit Lily, le sourire au museau.
Observe avec attention cette brochette
Sur laquelle est piqué chaque fade zozo.

 

Ils sont faits dans le même moule
Tu as raison et notre différence
Veut qu’on se démarque dans la foule.
Mais est-ce pour autant une chance ?

 

Rêve ta vie en couleurs pimpantes Lolo,
Laisse l’ocre et le beige aux girafes limitées.
Le long cou mesquin n’est qu’un charlot
Jaloux de nos éclaboussures effrontées.

 

Romy

Il était une fois une fillette espiègle
Dont la chevelure rouge resplendissait.
Elle avait en horreur le mot règle,
A son écoute, ses grands yeux se plissaient.

 

Les règles sont essentielles répétait sa mère;
Les règles apportent un cadre sécurisant
Affirmait solennellement son très sérieux père.
Romy trouvait leur discours écrasant.

 

Elle les fusillait d’un regard de braise
Aussi flamboyant que sa toison de feu
Ils voyaient sa rébellion telle une parenthèse
Qui deviendra un de ces quatre hors-jeu

 

Catégorique, Romy refusait de se limiter
A des barrières ou encore une frontière.
Son imaginaire déluré avait invité
L’horizon à libérer la prisonnière.

                                                                                                                                                                                                              

Les grandes étendues l’attiraient, irrésistibles,
Dans la forêt, elle sympathisait avec les lutins
Qui l’aidaient à combattre des trolls terribles
Tous les mercredi, samedi et dimanche matins.

                                                  

La colline derrière chez elle formait un reptile géant
Contre lequel elle livrait bataille, vaillante guerrière.
Quand il ouvrait sa gueule, elle frissonnait face au néant :
Cette absence totale de lumière là où l’âme erre…

 

Un peu plus loin derrière la colline, il y avait un lac,
Repères des jolies sirènes à la voix enchanteresse
Et leur ennemi juré vert rampant dont le ventre fait tic-tac
Depuis qu’il a avalé un réveil- c’était devenu sa faiblesse.

 

Tous ces lieux peuplés d’êtres magiques lui étaient restreints.
Ses parents voyaient le danger partout sur terre et sous l’eau,
Ne pouvant s’empêcher de l’imaginer dans un sale pétrin.
Elle avait l’impression de sentir accroché à son cou un grelot.

 

Ils n’y comprenaient vraiment rien à rien,
En plus, s’inquiétaient toute la journée
Pourtant l’accompagnait son ange gardien
Partout où allait cette gamine si spontanée.

 

Ne le voyaient-ils pas avec ses grandes ailes transparentes ?
Son corps longiligne était si gracile et les fils d’or
Recouvrant sa tête couraient comme des étoiles filantes.
N’entendaient-ils pas le silencieux accord ?

 

Sensations épicées

-Franchement, elle stagne au ras des pâquerettes
La fadette, un peu limitée, t'es d'accord?
Elle reste plantée là, raide comme une baguette
On croirait qu’elle s’intègre au décor.

 

En plus la nana tremble comme une feuille
Dès qu'un groupe s’approche, t'as remarqué.
Les profs, ses anges gardiens, la recueillent
Dans leur salle où elle peut se planquer.

T’as déjà vu son visage virer écarlate,
Mauvais signe, elle perd tous ses moyens,
Sanglote, suffoque quand l’harmonie éclate,
Madame Rançon la compare aux tragédiens.

 

-Que veux-tu, tout le monde
Ne peut se sentir la fine fleur
Du self contrôle à la répartie profonde
Et à la niaque de vainqueur.

 

Remarque, elle ne fait pas tant partie
Du décor que ça Aneth vu comment
On la remarque mais elle demeure mal lotie
Avec ses émotions, quel trouble infamant !

 

Une élève discrète

Crispés sur les chaises,
Leurs pouls impatients s'emballent.
D'un regard de braise
Ils transpercent l'horloge murale.
15h45

 

Encore quinze minutes avant la délivrance.
Les aiguilles s'égrènent à une faible cadence.
Traitre, le temps s'étire à l'infini,
Leur infligeant sa lente tyrannie.

 

Le professeur principal entrouvre la bouche,
Des interros surprises elle est partisane farouche.
Ses lèvres sonneront-elles le glas
D'un espoir qui peu à peu perd de son éclat.

 

"Ava-Félina, exposez-nous votre projet
Relatif au stage en entreprise.
Après chacun pourra prendre congé
Et satisfaire sa gourmandise".
Ouf!

 

Ses camarades se détendent.
Il n'en n'est rien concernant l'ado hyper-sensible.
Davantage ses muscles se bandent,
Sa voix fluette défaille, inaudible.

 

Je vais... intégrer le journal... des mystères...".
Troublés par sa timidité légendaire
Les mots peureux compriment son gosier,
Elle peine à déglutir.
Se répand alors dans son cœur un brasier,
Bientôt, son corps entier va en pâtir.

 

"Faire carrière en tant que journaliste.
Redescendez sur terre, pauvre enfant !
Rayez cette perspective de votre liste.
Vos résultats sont loin d'être bluffant".

 

Afin de rallier l’auditoire
son scepticisme,
Madame Ravales la fixe comme une bête de foire.
Ses yeux sans pitié déclenchent un séisme.

 

Si elle avait été une rebelle
Ava-Félina aurait répliqué sur un ton sec:
"Vous vous prenez pour un modèle ?"
Cet aplomb aurait entraîné une prise de bec.

                                                                                                                                     

Qu'importe!        
Elle se serait sentie forte.
Mais puisqu’elle n’est qu’une poule mouillée
Juste capable de bafouiller,
Des soubresauts l’ébranlent.
Épaules, jambes et bras ; tout tremble.

                                                                    

Ses membres incontrôlables
En proie à des secousses interminables
Deviennent la cible de viles moqueries.
Derrière son dos, les filles populaires rient,
Se trémoussent, gloussent,
Animant leurs jolies frimousses.

 

Honteuse, elle baisse la tête.
Le souffle court, elle halète,
Dégringole plus bas que terre,
Direction, les enfers.
L'humiliation lui met le feu aux joues,
Fin! l'ado timide passe sous le joug.

 

Miroir, mon beau miroir

Miroir, mon beau miroir, à dix-huit ans

Ne devrais-je pas me sentir la plus belle ?

Je croyais le glamour à son zénith,

Pourtant des doutes constants m’interpellent.

 

Certes, l’âge doux-amer où les filles en fleur

Se sentent fréquemment pousser des ailes.

Pourvu qu’elles apprécient leur valeur,

Brûlent par les deux bouts règles et chandelles.

                                                           

J’aimerais vivre intensément à me brûler

Les fines ailes tant Narcissa est accaparée

Par son attirail Vénus cinq étoiles anti laisser-aller

Censé la transformer en pin-up délurée.

 

Il est sans doute là ton problème, tu concentres toute

Ton attention sur le paraître, passant des heures devant

Ma glace, appliquant des tas de produits coute que coûte,

Escomptant te faire remarquer, être dans le vent.

 

Précisément, shampoing, après-shampoing, masque

Capillaire rendent mes cheveux davantage éclatants.

Néanmoins je les vois plats comme si je portais un casque.

Miroir, tes reflets bienfaiteurs sont-ils latents ?

 

Oui, il faut juste les réveiller d’une manière particulière

Oublie maquillage extravagant et habits provocants

La concurrence féroce provoque une surenchère

Je te renvoie l’écho des repères manquants.

 

J’habille mes lèvres nues d’un rouge ponceau

La couleur osée attire l’œil intéressé d’un type

Aux larges épaules qui voit en moi un beau morceau,

Je l’ai lu dans les magazines, le rouge émancipe.

 

Tu prendrais l’apparence d’un arc-en-ciel que ta vision

Resterait malgré tout inchangée, plastique, figée, terne.

Le « je »  égotiste ne peut remplacer un pygmalion

Lorsque l’estime personnelle anémiée hiberne.

 

Parfois je me plante devant toi, le regard rivé

Sur mes balconnets Wonderbra magnétiques,

Le volume quoique patent ressort sans relief rêvé

Et je me décoche des œillades critiques.

 

Quels sont tes références, tes modèles ?

N’existe-t-il pas un siège vacant ?

Tes croyances boiteuses entrainent des séquelles,

La silhouette des convictions fermes fiche le camp.

 

Comment entretenir des convictions saines alors

Que je me sens si médiocre, une brunette plate,

Le dedans somnole inconsistant donc j’embellis le dehors

Avec l’espoir de ressentir une satisfaction immédiate.

 

Chemin tracé

A peine sortie de l’adolescence,
Tu suis un chemin déjà tout tracé.
Ton père ne lésine pas sur les dépenses
Ton avenir l’ayant sans cesse tracassé.

 

De cours de soutien en cours de soutien
Tu te bourres le crâne de lourdes données
Avec l’espoir de quitter le statut « moyen »,
Les révisions te harcèlent, geôlières forcenées.

 

Essoufflée, tu tiens bon malgré les obstacles
Pour satisfaire sa belle et grande ambition.
Convaincu que naïve jouvencelle tu bâcles
Ta vie, il a étouffé tes rêves d'un bâillon.

 

Toutes les nuits sous la couette
Tu t’emmitoufles dans le chagrin.
Tes souhaits passés à la moulinette,
Prisonniers du cachot souterrain.

 

Oseras-tu te rebeller contre son autorité
Sans redouter de t’attirer ses foudres ?
Tu sens que bientôt le ballon risque d’éclater
Or te sens-tu dorénavant prête à en découdre ?

 

Baiser prématuré

Ta langue intrusive fait irruption entre
Mes lèvres, exigeant un baiser mouillé.
Ma conscience outragée s’excentre
De cette pratique au penchant grossier.

 

La primeur de ma fleur                                                                                                                                                   

Majorité, ta pression lancinante

Me saigne comme un bœuf.

Je ne suis qu’une débutante

A peine sortie de son œuf.

 

Pourquoi me pousses-tu à virer ma cuti ?

Les fervents soupirants se bousculent,

Leur cour malhabile au milieu d’un bal travesti

Tente de me serrer dans son bras-tentacule

 

J’évite le benjamin, écarte le blanc-bec

M’acoquiner avec un puceau gauche

Entretiendrait ma délicate fleur bleue à sec.

Un amoureux doit savoir soigner son approche.

 

Un quidam m’effleure, nos regards se croisent

Il porte des lunettes qui lui donnent un air sérieux

Son énergie calme, posée, sécurisante, sans emphase

Confère à son individualité un aspect très consciencieux.

 

J’apprends qu’il a le double de mon âge,

Professeur de philosophie dans un lycée

Par rapport aux flirts habituels, il apparait sage,

Un homme cultivé jouissant d’une prestance racée. 

 

Serais-je tombée sur la perle rare :

Un potentiel amant attentionné.

J’entends placer haut la barre,

Sélectionne mon aîné.

 

Au contact de cet Harry Potter réfléchi,

Découvrirais-je mes propres ressources ?

Et si le seuil de l’abandon, on le franchit

Ma fleur bleue trouvera-t-elle sa source ?

 

Jean-Luc, ton prénom composé résonne

Jean, un peu vieux jeux attaché aux traditions

Devant des escaliers il précède sa mignonne,

La tête dans ses jupons accélèrerait les palpitations.

 

Sortant d’une salle de cinéma, Jean perd

Contenance, désolé, car le long-métrage

S’avère brutal ; Classons ce léger impair.

Tu te rappelleras que Béatrice Dalle vit en marge.

 

Lors d’un concert en plein air, Jean ronchonne,

Des jeunots bruyants jouent les trublions.

Excédé, il leur avoue les préférer aphones,

Appréciant la bienséance où que nous allions.

 

Luc scrute la première émission de télé réalité

Française intitulée Loftstory, zoome sur la gagnante

Répondant au doux prénom de Loana, naïade à la beauté

Plastique irréprochable et à la sensibilité impudente.

 

Luc aime les femmes-enfants, Lolitas désarmées,

Me perçoit-il telle une nymphe à fleur de peau ?

S’il est capable de relever les jeunes filles abîmées

Par un manque d’estime, Je lui tire mon chapeau.

 

Jean-Luc, esthète, juge le galbe de mon épaule élégant,

Fait l’éloge de mes courbes proportionnées. Il pavoise

Mon corps lui rendra-t-il bien son désir fringant

Prêt à me déguster comme on engloutit une coupe liégeoise ?

                                                   

Suis-je une nymphe dont l’attrait principal

Réside dans une apparence avantageuse

Ou un dessert dont la densité est un régal :

Des couches multiples pour une crème d’ambitieuse ?

 

Les choses sérieuses démarrent, en moins de cinq,            

Affaire conclue ! De nouveau il déroule une excuse.      

N’aie crainte, je ne te remplacerai pas par un punk   

Même si d’autres aventures attendent ta muse.

 

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